Comment au cœur de ces inquiétudes ne pas nous laisser entrainer dans le désespoir ou la seule résignation ?
La fête de la Toussaint peut nous y aider. Elle est une sorte d’anticipation sur la fin la fin des temps, sur le terme de l’histoire pour contempler l’achèvement de la création de Dieu : « Quand le Fils de Dieu paraitra, nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est. » 1Jn 3,2
Y-a-t-il une vie après la mort ? La mort est-elle la fin de tout ? L’au-delà, le ciel, la vie en Dieu existent-ils ? Ces grandes questions que les hommes de tous les temps se sont posées sont éclairées : la lumière de la Vie nous attend !
Cette fête nous révèle la fin des choses, le fond des choses. La fin ce n’est pas le terme ultime, quand ça s’arrête et que tout est fini. La fin c’est d’abord ce vers quoi tend cette chose. Comme la fin d’une plante est la fleur et le fruit. Depuis le début de sa vie végétale, tout est orienté vers ce but, vers cette fin.
Ainsi, quand la foi chrétienne nous parle de la fin des temps, elle attire notre attention sur le fond des choses, le poids des choses, leur achèvement.
Encore en chemin nous ne voyons actuellement que les préparatifs, l’envers d’un ouvrage encore inachevé. Comme un tapis en cours de fabrication, on voit l’envers, on voit tous les nœuds, on mesure tout le travail et ce qui reste à faire.
Nous connaissons bien ce côté-là de la tapisserie. Ce que nous voyons des hommes, des femmes, des enfants pauvres, des gens qui ont faim, des malheureux qui pleurent, des torturés, des persécutés…
Sans nier cela, la Toussaint vient nous inviter à regarder l’autre face ; le monde vu du côté de Dieu quand il sera achevé : le fond des choses, le poids de nos vies comme le proclame les béatitudes.
Nous pouvons continuer à ruminer de morosité, nous pouvons continuer à estimer que la mort, la souffrance sont la fin de l’homme : au commencement rien, à la fin rien !
Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ; heureux les persécutés qui se réjouissent et exultent d’allégresse car leur récompense serait grande dans les cieux.
La fête de la Toussaint et les béatitudes nous proclament au contraire : au commencement Dieu, à la fin Dieu !
Même si ce que nous serons ne parait pas encore clairement, un coin du ciel est déchiré : l’horizon de nos vies n’est pas la mort mais la vie, la joie : Heureux, heureux, heureux !
Nous sommes tous appelée à ce bonheur naissant, au bonheur du Royaume de Dieu qui change la vie. La multitude des saints d’hier et d’aujourd’hui nous dit Notre sainteté est à ta portée. Elle est tout simplement, une vie selon Dieu ; une vie heureuse de donner, de se donner, qui commence ici-bas et s’achèvera dans le Royaume de Dieu.
Cette sainteté « ordinaire » se manifeste dans les petits gestes du quotidien qu’évoque à sa manière le chant de Jean-Jacques Goldman à propos d’un cordonnier, un saxophoniste, un instituteur : « Il y mettait du temps, du talent et du cœur, ainsi passait sa vie au milieu de nos heures. Et loin des beaux discours, des grandes théories à sa tâche, chaque jour, on pouvait dire de lui :
Il changeait la vie ! »
Je vous souhaite d’en être !
Très fraternellement
+ Michel Pansard
Évêque d’Évry-Corbeil-Essonnes.
Le 27 octobre 2020
Image : Frère Yves