Méditation Vendredi Saint 2021

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 « Il sortit et se rendit comme d’habitude au mont des Oliviers, et les disciples le suivirent. 40 Arrivé sur place, il leur dit : « Priez pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation. » 41 Et lui s’éloigna d’eux à peu près à la distance d’un jet de pierre ; s’étant mis à genoux, il priait, disant : 42 « Père, si tu veux écarter de moi cette coupe… Pourtant, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise ! » 43 Alors lui apparut du ciel un ange qui le fortifiait. Pris d’angoisse, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre. 45 Quand, après cette prière, il se releva et vint vers les disciples, il les trouva endormis de tristesse. 46 Il leur dit : « Quoi ! Vous dormez ! Levez-vous et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation ! » Evangile de Luc ch.22.39-46

Arrêtons-nous à l’entrée de la Passion. Entrons dans le jardin où Jésus et ses disciples avaient l’habitude de se retrouver pour prier. Comment est la nuit ?  Est-elle claire ?  En tous cas tout à l’heure ce sera l’heure des ténèbres. Des gardes viendront arrêter Jésus, Judas le dénoncera. Mais pour Jésus et ses disciples c’est l’heure de s’arrêter et de prier pour se préparer au combat contre le mal. Combat d’abord intérieur. « Priez pour ne pas entrer en tentation »

Jésus présente la prière comme une vigilance et un combat. Mais un combat pacifique. Jésus va refuser la violence. Prier est aussi une façon de refuser la violence. Juste avant ce passage les disciples, qui ont mal interprété les propos de Jésus, lui proposent des épées qu’ils refusent, juste après Jésus répond aux disciples qui veulent se battre « laissez faire » et il guérit le serviteur du Grand Prêtre blessé par l’épée d’un disciple. Jésus refuse de combattre les violents, qui vont s’emparer de lui, mais mène un violent combat intérieur. De la violence de ce combat, l’Evangile de Luc donne un témoignage unique sur l’angoisse de Jésus qui se manifeste par « une sueur qui devint comme des caillots de sang. »  Ces versets manquent dans de bons manuscrits. Cela s’explique certainement par la gêne devant ce Jésus trop humain.  Pourtant même un érudit évangélique comme le regretté Samuel Bénétreau les tenait pour authentiques. Ces « caillots » ont gênés les interprètes mais pas le Dr Pierre Barbet, auteur d’un beau livre la passion de NS Jésus Christ selon le chirurgien. Il diagnostiquait une hémorragie des capillaires, petits vaisseaux du visage, par vasodilation, dû à un stress extrême, qui entrant en contact avec les glandes sudoripares, produisent ce mélange de sang et de sueur qui perle sur le corps de Jésus. Le Dr Barbet conclut que saint Luc a écrit en bon médecin « Et sa sueur devint comme des caillots de sang » . Et si c’est détails anatomiques nous gênent, c’est que nous oublions que Dieu s’est vraiment fait chair, et qu’il a vraiment souffert, combattu dans son corps pour nous sauver.  

Je vois un sain réflexe dans cette prière du Christ, qui refuse d’abord la mort et la souffrance – « Père, éloigne de moi cette coupe » – avant de prier pour avoir la force d’accomplir sa mission – « Non pas ma volonté, mais ta volonté » Jésus a reculé devant un poids bien plus lourd que celui de la Croix, le poids de la colère de Dieu. Colère symbolisée par cette « coupe » qu’évoquent le prophète Esaïe et les psaumes pour parler du jugement de Dieu. Jésus va payer le prix pour nous libérer de nos péchés, il prie pour accepter ce prix « le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui c’est dans ses blessures que nous sommes guéris » Esaïe 53.5. Jésus accepte de subir la violence du mal pour nous en libérer.

 

Qu’avons-nous appris en entrant dans ce jardin ?

Pourquoi l’évangéliste Luc a-t-il choisi de nous conserver de tels témoignages de faiblesse ? Pour nous rappeler que, nous chrétiens, nous sommes faibles et que c’est pour cela que nous avons besoin de de nous arrêter de prier et d’écouter la voix de Dieu qui n’est pas forcément la nôtre. Prier non pour éviter l’épreuve mais la traverser avec Jésus. Nous avons beau être chrétiens, parfois nous comptons surtout sur notre propre force, sur nos capacité à agir, à maîtriser la situation, comme Pierre ! Prier nous oblige à reconnaitre notre faiblesse et nous rend pauvres pour recevoir la force qui vient de Dieu.  Le prophète Esaïe dit que le Seigneur « donne des forces à celui qui est fatigué et il multiplie les ressources de celui qui est à bout » Es 40.29. S’agenouiller pour prier, prier pour se lever et tenir debout face au mal et à nos tentations. Quelles étaient les tentations des disciples ? « Ils se sont endormis de tristesse » !

Les disciples ont voulu nous passer le message : nous ne sommes pas plus forts que vous ! Voyez nous-nous sommes endormis anesthésiés par l’angoisse.  Prenez garde c’est une vraie tentation ! Cette angoisse suscitée par cette pandémie peut anesthésier notre résistance au mal.

Quel angoisse, quelle peur du lendemain ? Peur d’être abandonné par Dieu, par Jésus ? Pourtant Jésus leur avait rappelé : « quand je vous ai envoyé avez-vous manqué de qq chose ?« de rien » reconnaissent-ils. Alors certes Jésus invite ses disciples à la prudence, à faire qq. Réserve en vue de temps difficile mais ce « de rien » reste vrai.  Cette invitation du Christ à la vigilance est particulièrement d’actualité alors qu’une chape de tristesse de découragement s’est répandue sur notre pays avec cette pandémie, et que nous chrétiens qui luttons contre notre propre inquiétude et en même temps pour maintenir le témoignage chrétien nous pouvons aussi être fatigués, découragés. Mais si nous nous endormons, comment alors allons-nous annoncer la bonne nouvelle, si nous refusons l’épreuve, partagée avec nos frères et sœurs, mais traversée avec Jésus. Heureusement, si nous nous endormons parfois, Jésus ne dort pas, il veille et il prie pour nous. « Simon, Simon, Satan vous a réclamé pour vous secouer…mais moi j’ai prié pour toi afin que ta foi ne disparaisse pas… »  Jésus a prié pour Pierre. Jésus prie pour nous. Paul nous révèle que Christ ressuscité est à la droite de Dieu le Père et qu’il intercède pour nous !

Prier n’est pas facile, nous le savons bien, nous avons besoin de nous encourager à prier et à prier les uns pour les autres pour résister au mal et à la violence. Ce soir nous nous sommes arrêtés pour être ensemble et prier avec Jésus. Alors entrons dans notre jardin intérieur pour discerner, à quelle tentation nous devons résister, à quel chemin de croix pour rendre témoignage à Jésus Dieu nous appelle, à quelle résistance. Alors prions, entretenons-nous intérieurement avec Dieu Notre Père, prions pour lui demander le chemin et la force de le prendre.

Prions, non pour éviter mais pour résister. Prier nous permet de résister à la violence. Je prie pour ces jeunes qui, sans but et sans espérance, qui se détruisent en cédant à la violence. Que Christ nous mette sur leur route.  Je prie aussi pour que ne triomphe pas la violence des pouvoirs politiques contre les petits, les migrants, les faibles. Que nous-nous levions pour résister à ceux qui présentent la mort et le suicide comme seule espérance pour les souffrants et les agonisants. Jésus a donné sa vie, il ne s’est pas donné la mort ! A toutes ces violences donne-nous Père de résister, dans la confiance en ton Fils Jésus qui a vaincu la mort, le péché, la violence. Entendons l’appel du Christ : « Levez-vous et priez. Levons-nous et prions pour résister !

 

Pasteur Luc Olekhnovitch – Vendredi Saint, 2021, église ND de Grâce